• Dans les salles comme dans le bocal à poissons,  le filet d'air brûlant rend les heures lourdes comme un sommeil  qu'on repousse d'une main toujours plus grave.... le ciel est blême, on le soupire lentement....rêve de mer...


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  • Je sais maintenant que chaque homme porte en lui et comme au-dessus de lui un fragile et complexe échafaudage d'habitudes, réponses, réflexes, mécanismes, préoccupations, rêves et implications qui s'est formé et continue à se transformer par les attouchements perpétuels de ses semblables. Privée de sève, cette délicate efflorescence s'étiole et se désagrège. Autrui, pièce maîtresse de mon univers... Je mesure chaque jour ce que je lui devais en enregistrant de nouvelles fissures dans mon édifice personnel. Je sais ce que je risquerais en perdant l'usage de la parole, et je combats de toute l'ardeur de mon angoisse cette suprême déchéance. Mais mes relations avec les choses se trouvent elles-mêmes dénaturées par ma solitude. Lorsqu'un peintre ou un graveur introduit des personnages dans un paysage ou à proximité d'un monument, ce n'est pas par goût de l'accessoire. Les personnages donnent l'échelle et, ce qui importe davantage encore, ils constituent des points de vue possibles, qui ajoutent au point de vue réel de l'observateur d'indispensables virtualités.

    A Speranza, il n'y a qu'un point de vue, le mien, dépouillé de toute virtualité. Et ce dépouillement ne s'est pas fait en un jour. Au début, par un automatisme inconscient, je projetais des observateurs possibles des paramètres au sommet des collines, derrière tel rocher ou dans les branches de tel arbre. L'île se trouvait ainsi quadrillée par un réseau d'interpolations et d'extrapolations qui la différenciait et la douait d'intelligibilité. Ainsi fait tout homme normal dans une situation normale. Je n'ai pris conscience de cette fonction comme de bien d'autres qu'à mesure qu'elle se dégradait en moi. Aujourd'hui, c'est chose faite. Ma vision de file est réduite à elle-même. Ce que je n'en vois pas est un inconnu absolu... Partout où je ne suis pas actuellement règne une nuit insondable. [...]
    Je sais maintenant que la terre sur laquelle mes deux pieds appuient aurait besoin pour ne pas vaciller que d'autres que moi la foulent. Contre l'illusion d'optique, le mirage, l'hallucination, le rêve éveillé, le fantasme, le délire, le trouble de l'audition... le rempart le plus sûr, c'est notre frère, notre voisin, notre ami ou notre ennemi, mais quelqu'un, grands dieux, quelqu'un ! "

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  • Marche triomphale de l'amour. Ces buissons étaient enthousiasmants, et cette gendarmerie aussi, et cette autre vache qui léchait son veau à larges coups de truelle. Cette forêt était troublante, et ce vallon amical, et tout était enthousiasmant, elle surtout. "Je suis admirable", dit-elle, alla plus vite encore.


    Marche triomphale de l'amour. Oui, admirable puisqu'il l'avait élue entre toutes les femmes, élue au premier battement des longs cils recourbés, lui, le plus beau et le plus fou, ô merveille de son déguisement en vieillard, le plus désespéré, ô ses paroles du soir du Ritz, flèches de méchante vérité, le plus aimant pourtant, le plus triste, ô ses yeux, le plus rieur, ô ses lèvres, le plus méprisant et le plus tendre, le plus seul, un roi sans peuple.

    Marche triomphale de l'amour. Oui, oui, admirable. Insolence ? Eh bien, c'était un jour d'insolence. Il n'y avait que les laides pour être modestes. Oui, crier à la première femme qui passerait ! Mes dents sont parfaites, lui crier ! Ose montrer les tiennes, lui crier, et ose me montrer celui que tu aimes, lui crier, si tu oses n'en avoir pas honte ! Un coq éraillé apostropha au loin, et elle s'arrêta, se demande s'il arrivait aux poules d'éternuer, eut un rire parce qu'elle aimait, et elle reprit sa marche.

    [...]
    Marche triomphale de l'amour. Auguste, elle allait mue par l'amour comme autrefois ses sœurs des temps anciens, innombrables dormant du sommeil de la terre, allait, immortelle en sa marche, commandée en d'éternelles trajectoires, Ariane solennelle, à peine souriante, accompagnée par quelle céleste musique, l'amour, l'amour en ses débuts.


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  •  

    Victorieuse en sa robe voilière, elle allait dans la rue,

    blanche nef de jeunesse, allait à larges foulées et souriait,

    consciente de sa nudité sous la toile fine, sa nudité que la brise

    caressait de fraîcheurs. Je suis belle, sachez-le, vous tous que je

    ne regarde pas, sachez-le, et regardez une femme heureuse.

    Haute, elle allait, glorieusement à la main l'horaire sur lequel,

    s'arrêtant parfois, elle suivait la marche du train qui le lui

    amenait. ô merveille d'aimer, ô intérêt de vivre.


    Elle s'arrêta, prise de colère contre un chat qui traversait la

    chaussée si près d'une auto et qui se ferait écraser un de ces

    jours, le petit imbécile ! Elle aussi, attention aux autos, ne pas

    mourir aujourd'hui, nepas se faire abîmer. Aujourd'hui elle était

    précieuse. Ô ce soir! Elle reprit sa marche, fonça sur le trottoir.

    Les deux hommes qu'elle heurta se retournèrent, charmés,

    mais elle était déjà loin. Elle en cogna un troisième, et parce

    qu'il lui sourit elle comprit qu'il savait qu'elle était heureuse,

    allant vers un aimé à nul autre pareil. Oui, tous la regardaient,

    tous savaient, tous approuvaient son bonheur.


    Un nuage là-haut. Si pluie ce soir, ils ne pourraient pas se promener dans le jardin, la main dans la main. Seigneur, j'y tiens beaucoup, fais qu'il fasse beau ce soir. Il me faut un ciel exténué d'étoiles. 

     

     

    de dentelles, de robes légères, de jupettes... il fait si chaud, des tissus frais et aérés...


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  • M


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  • val d'Orcia


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  • Paul Éluard - A côté (2)

    Soleil tremblant
    Signal vide et signal à l’éventail d’horloge
    Aux caresses unies d’une main sur le ciel
    Aux oiseaux entr’ouvrant le livre des aveugles
    Et d’une aile après l’autre entre cette heure et l’autre
    Dessinant l’horizon faisant tourner les ombres

    Qui limitent le monde quand j’ai les yeux baissés.

     paysages parfaits


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