• oser l'autre

    Partir, c’est frotter son existence aux vies étrangères, c’est oser l’autre: Faire son travail d’homme en quelque sorte... Un départ est un contrat avec soi: il s’agit d’oublier le point de vue particulier qui était le nôtre pour aller se glisser dans d’autres peaux, d’autres rêves et vérifier qu’ailleurs règnent des vérités différentes et souveraines. Cela s’appelle découvrir la relativité afin que s’invente pour toi une souciance d’autrui. Etre soi et les autres, ne plus resté enfermé dans sa seule enveloppe de peau, ressentir des plaisirs et des souffrances qui n’étaient pas les nôtres.
    Qui a dit que partir c’était mourir un peu? C’est tout le contraire: partir, c’est vivre, et à foison. C’est finalement apprendre la beauté et la simplicité de toute chose, l’exubérance des sentiments et des êtres, la force d’être seul, perdu sous les déferlantes: c’est apprendre le courage de rompre avec une histoire ancienne pour devenir le narrateur d’un chapitre inédit de sa vie. Adopter une attitude artiste pour devenir le créateur de sa propre nouveauté et tenter, comme l’écrivait Michel Foucault, de faire de sa vie un chef d’œuvre. 
    On dirait qu’à certaines saisons il faille répondre à de mystérieux appels, comme si dans le monde il y avait une voix insistante qui chuchoterait: ne reste pas là, viens, sinon la mort va savoir où te trouver, là où tu t’es englué, prisonnier, entortillé dans tes habitudes. Brouille les pistes, circule, suis les autoroutes, les chemins, les vicinales, les lignes de chemins de fer et des chemins de l’air, entre à l’intérieur des déserts et surtout ne te retourne pas, traverse en seigneur les océans, les forêts, les ronces et les broussailles, contemple et prosterne-toi devant les mégapoles qui s’offrent à toi! 
    Une fois là-bas, plus aucune adresse ne comptera, plus aucun code postal ne vaudra, ni d’anciennes amours, ni tes regrets et jalousies, ni un numéro de sécurité sociale, ni même une carrière, tu deviendras un humain parmi d’autres, un inconnu sur la terre à qui rien n’est dû... 
    Va te perdre dans le vaste monde et retrouve-toi seul, face au ciel, et regarde ton visage dans ce gigantesque miroir où règnent les étoiles, tu y reconnaîtras une personne, toi, sans nom ni prénom, anonyme, un humain pétri de solitude, mais riche des hommes et d’un univers qui n’existent, luxuriants, que pour lui.
    Yves Simon

     


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