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marche triomphale de l'amour (Belle du Seigneur)
Victorieuse en sa robe voilière, elle allait dans la rue,
blanche nef de jeunesse, allait à larges foulées et souriait,
consciente de sa nudité sous la toile fine, sa nudité que la brise
caressait de fraîcheurs. Je suis belle, sachez-le, vous tous que je
ne regarde pas, sachez-le, et regardez une femme heureuse.
Haute, elle allait, glorieusement à la main l'horaire sur lequel,
s'arrêtant parfois, elle suivait la marche du train qui le lui
amenait. ô merveille d'aimer, ô intérêt de vivre.
Elle s'arrêta, prise de colère contre un chat qui traversait la
chaussée si près d'une auto et qui se ferait écraser un de ces
jours, le petit imbécile ! Elle aussi, attention aux autos, ne pas
mourir aujourd'hui, nepas se faire abîmer. Aujourd'hui elle était
précieuse. Ô ce soir! Elle reprit sa marche, fonça sur le trottoir.
Les deux hommes qu'elle heurta se retournèrent, charmés,
mais elle était déjà loin. Elle en cogna un troisième, et parce
qu'il lui sourit elle comprit qu'il savait qu'elle était heureuse,
allant vers un aimé à nul autre pareil. Oui, tous la regardaient,
tous savaient, tous approuvaient son bonheur.
Un nuage là-haut. Si pluie ce soir, ils ne pourraient pas se promener dans le jardin, la main dans la main. Seigneur, j'y tiens beaucoup, fais qu'il fasse beau ce soir. Il me faut un ciel exténué d'étoiles.
de dentelles, de robes légères, de jupettes... il fait si chaud, des tissus frais et aérés...
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